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Guy Chambelland, rien que poète


Par Charlotte Chambelland-Galves

( Les symboles (*) indiquent des notes que vous pouvez voir en cliquant dessus )



Guy Chambelland est né le 5 décembre 1927 à Dijon, cité d´Aloysus Bertrand, et mort au hameau du Fays, à la lisière de la forêt d´Othe, dans sonAtelier de la Salamandre, le 13 janvier 1996. Entre ces deux dates, une vie pour la poésie.

Poésie dont le rôle colossal dans notre époque dit-il lui-même est de
faire rêver(*). Poésie légende contre l'histoire.

En 1957, il quitte toute autre activité professionnelle, en particulier l'enseignement, pour se consacrer à l'édition. C'est à Dijon, d'abord au 11 rue du Bourg, où la presse à pédale sur laquelle sont imprimés les premiers numéros du Pont de l'Épée est installée dans le grenier, puis dans un hangar de banlieue, où il part tous les matins à bicyclette. Quatre ans plus tard, poussé par son besoin de lumière, je suis un homme de lumière, je ne suis pas un homme de nuit... le soleil qui décline c'est la mort du poète, il part vers le midi. La Bastide de Goudargues (qu'il rebaptisera plus tard de son ancien nom La Bastide d'Orniols) est alors un hameau presqu'entièrement abandonné. Pour pas cher, il y achète un mas de pierres, à moitié en ruines, qu'il reconstruit lui-même.

L'imprimerie suit à La Bastide, puis part à Bagnols sur Cèze, au 9 rue Rivarol. Elle reviendra finalement à la Bastide, dans une nouvelle maison, plus au bout du hameau, devenu dans les années 70 un village de résidences secondaires, plus près de la garrigue et des bois, où Guy aime aller courir le matin, et chercher des champignons. Dans l'été brûlant du Festival, en 1975 et 1976, Guy Chambelland organise les Rencontres Poétiques d'Avignon. Les poètes du Pont de l'Epée sont lus par Emmanuelle Riva, Avron et Evrard, Michel Lonsdale, Daniel Gélin.

Les années 80 voient le retour en Bourgogne, dont il se plaint toujours qu'elle manque de lumière, mais qui est plus proche de Paris, passage obligé de l'activité éditoriale, avec ses façades : les librairies. Successivement Bd St Germain avec les frères Breton, rue St Georges, rue Ste Croix de la Bretonnerie, Bd Richard Lenoir, et rue Racine, Guy Chambelland poursuit inlassablement sa quête de la rencontre avec le public. Mais les librairies s'affirment surtout comme lieu de rencontre des poètes eux-mêmes et lieu de la rencontre de l'éditeur avec les poètes. Son bureau parisien.

Les librairies sont aussi des galeries. Le lieu d'une autre rencontre, celle de la poésie avec la peinture. L'Association du Pont de l'Epée, fondée dans les années 70, puis dissoute et reanimée en 1995, ne réunit d'ailleurs pas seulement des poètes, mais aussi des peintres sans parti-pris d'école, avec un souci: privilégier l'émotion dans l'art (*). La poésie, la peinture sont des chemins vers la beauté.

L'histoire c'est une texture d'absurdité et de saloperies. La beauté c'est l'illumination dans cette misère. La beauté vient d'ailleurs, elle ne constitue pas la texture de l'existence, elle a donc un caractère divin, sacré, mythologique. Ce qu'il y a d'extraordinaire dans la beauté, c'est qu'elle suspend la misère. Si je mets le prélude et fugue en fa majeur de Bach, la misère est suspendue, si je mets les Gabrieli, la misère est suspendue. J'ai la beauté.

La musique, prototype de la beauté. Bach, les Gabrieli, le baroque. Barocco Metrico, recueil posthume, est dédié à Andrea et Giovanni (Gabrieli), et à Claudio (Monteverde), comme à des frères. Edmond Carle dit à Guy Chambelland(*) :
Le grand poète est pour moi celui qui avec les mots, autrement plus ingrats que les notes, fait croire à l'âme autant que la musique.
En écho à Guy Chambelland lui-même(*),

(Magnificat de Bach; Fecit potentiam)

Il met en route sa mécanique, arithmétique des anges, de l'entre-deux. Puis il casse les voix, vous les fout aux tripes, vous fait plus homme qu'homme. A peine y êtes-vous qu'il remonte, toutes trompettes dehors, vous renvoie aux dieux, vous envoie en l'air. Et vous laisse tomber, Beauté que par la musique. Ah! le salaud.

Un poète sur le Pont (*)

Les premiers numéros du Pont de l'Epée, Quête poétique qui dure de 1957 à 1982, 83 numéros, 7000 pages, portent cet avis:

La seule obligation faite à nos collaborateurs est de mépriser les tabous

Pourquoi Le Pont de l'Epée?

J'ai obéi à une dictée, c'est le titre qui s'est imposé... pour le moyen-age, ce n'est pas l'histoire qui compte c'est la légende...la légende contre l'histoire, contre la mort ...quand le chevalier a passé l'épée, il n'y a plus de monstres, moralité la difficulté n'existe que pour celui qui en a peur.



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